
Ma première visite à Buoux remonte au 3 novembre 1972.
En remontant des Calanques, Jean-Marcel CHAPUIS a voulu me faire connaître
cette école alors peu fréquentée. Nous n’avons
fait qu’une voie (la Marine), mais je fus sacrément impressionné
! Il connaissait par le biais de la F.S.G.T (notre club de l’époque)
car la section Marseillaise avait organisé en 1969 un rassemblement
à Buoux lors de sa fête annuelle des Carnutes… Pour
fêter l’ouverture du Pilier des Fourmis ils avaient, m’a
raconté Jean-Marcel, enflammé une coulée d’essence
dans le bombé final ! ! !
Dans ces années 1972/1973 nous fréquentions plus les Calanques
et Buis que le type d’école comme Buoux (je n’y suis
revenu qu’en mars1974). Il faut dire que le rocher semblait à
l’époque impossible même en artif. Je n’aurais
jamais imaginé que des voies puissent exister dans le mur du
Styx …. Et que dire dans les toits du bout du monde ! ! !.
Les voies sont équipées du bas dans les lignes naturelles
(le Tozal, la Marine, le pilier des Fourmis) nous les gravissons en
artif et une voie dans la journée suffit à la satisfaction
des grimpeurs... ils ne pratiquent en école d’escalade
que de l’alpinisme "modèle réduit" et
non le type d’escalade sportive en vogue actuellement.
Les voies sont peu nombreuses mais les secteurs interdits aujourd’hui
comme les Confines ou le Fort sont les seuls vraiment fréquentés.
Tous les grimpeurs se connaissent et Raymond Coulon forgeron à
Buoux (un parisien exilé…) transforme son salon en QG chaque
WE… Les Habitués de l’époque sont, outre le
forgeron, Pierre Gras, J.P Fédèle, le père Gorgeon
(Bernard et Daniel ont … une dizaine d’années tout
au plus quand je les croise pour la première fois), Jean Gay
... etc.
Nous sommes "les Lyonnais" et nous prenons l’habitude
de descendre chaque long WE à Buoux, nous logeons dans une borie,
(aujourd’hui interdite et fermée) , située au sommet
des falaises. Et nous participons à la guéguerre anti-Droyer
du côté Marseillais bien sûr !
A partir de 1980, Buoux (et le Verdon à un degré moindre),
seront presque exclusivement nos sites pour pratiquer le libre. Les
67 voies que j’ai équipées à l’Aiguebrun
donnent la mesure de ma passion... qui explique aussi, en partie, mon
abandon de Presles durant 15 ans. Certaines voies comme "le bouclier"
et la "Christofer aux Confines" ou la "Souche à
Mex" à l’Aiguebrun sont des challenges respectables…
et la longueur du "Gougousse" au dessus de la niche reste
la limite des possibilités humaines par son passage obligatoire
(un petit 6a+)!
En avril 1974, pour avoir été à l’aise dans
la Christofer, j’ai fait l’aller retour au Verdon le lendemain
… tranquille dans ma tête pour affronter la voie de la demande
!
Toutes ces anecdotes situent bien cette époque où les
voies s’ouvrent du bas, même en école (les golots
n’existent pas). Avec Bernard Macho, nous avons fait une tentative
poussée le 7 septembre 1975 dans ce qui sera 15 ans plus tard,
la voie "Excalibur". Bien sûr nos pitons classiques
(il en restait un en place récemment), ne purent venir à
bout du passage….
Buoux a marqué des étapes dans le libre en France, c’est
certain, mais aussi dans ma vie.
Les bivouacs se sont déplacés de la Borie sur le plateau
à la grotte de "Mythe errant" (au pied des Confines),
puis une maison abandonnée entre Lourmarin et Bonnieux, une autre
ruine ensuite entre Bonnieux et Apt, et pour finir , le célébrissime
hôtel l’Aptois … (en squattant une chambre à
plusieurs ), sans oublier le camping lors des rééquipements,
avec sa passionnaria Lucette (aujourd’hui à la retraite).
L’escalade est passée de l’entraînement à
l’alpinisme, vers la recherche de la performance. Avec une date
marquante : la première voie ouverte avec des golots le 3 février
1982 !
Habitués aux chevilles auto-forantes de 8mm et 10 mm dans le
calcaire de Presles, nous transférons les premiers, cette technologie
à Buoux avec, (tout comme à Presles à la même
époque), la conscience que les voies sportives modernes s’équiperont
à présent essentiellement par le haut.
Dans la mollasse de Buoux, nos auto-forants ne s’expansent pas...
et pour les faire tenir nous les enduisons de colle cyanolithe…
qui donnera le nom à cette première voie technologique
du lubéron ! Elle sera enchaînée en libre le lendemain
par Dominique Marchal (dodo) et validée un bon 6c.
Les bleausards parisiens découvrent les fameux double expansions
à la quincaillerie d’Apt (sponsor involontaire de la falaise
durant ces années) et à Lyon, je déniche le même
modèle chez UPAT. Dans la foulée nous réalisons
qu’un simple vilbrequin permet de percer le tendre calcaire de
Buoux avec une mèche de diamètre approprié. Cette
technique sera difficile dans les dévers car il faut appuyer
sur le pommeau pour entamer la roche. Le travail reste néanmoins
fastidieux et pourtant presque toutes les voies de Buoux furent équipées
ainsi. Les perceuses à accus datant du début des années
90, c’est sans doute ce relatif manque de facilité, qui
amena un équipement parfois espacé.
Les parisiens (Marc et Antoine Lemenestrel, JB Tribout, David Chambe,
Fabrice Guillot et Laurent Jacob) tous excellents bleausards et techniquement
plus forts que moi porteront ici l’escalade mondiale à
son sommet. Quand à Bruno Fara et plus tard Serge Jaulin et Pierre
Duret, ils équiperont un éventail de difficulté
à tous les niveaux. Ce travail quantitativement plus important
(mais moins médiatisé) que les 8b du bout du monde…
fait que cette école de Buoux reste encore fréquentée.
Le blond (Patrick Edlinger) qui dans le mur d’Autoroute traça
des itinéraires côtés pendant quelques mois 2 lettres
au dessus… reste "un épisode", car il ne participa
pas réellement à l’essor de Buoux. Côté
Marseillais, les Frères Gorgeon et Pepsi furent aussi créatifs.
De mon côté à partir de 1982, l’évolution
est en marche. Au début, je me contente de changer les points
dans les challenges en libre mal protégés, puis ce sera
l’exploitation de secteurs entiers … Au Styx (Recréactivité...
etc), en 1983. En 1985 Germanophobie marquera notre rancune envers les
étrangers inconséquents, qui par leur comportement firent
interdire la falaise une année durant (et même à
jamais pour les Confines…). Ils rentrèrent chez les gens
pour se laver aux fontaines, bivouaquèrent dans les propriété
privées, bloquant la minuscule route de la combe à Pâques….
un arrêté municipal d’interdiction en fut le retour
de bâton.
Ensuite, il y aura les voies sous la plage, les voies à la plage,
à la plagette, la vire des diamants et surtout le secteur entre
la Fakir et le Tozal baptisé Signé Farax... (nom qui n'est
pas resté !!!) et qui était entièrement recouvert
par un lierre gigantesque de 30m de haut !
Dans les années 1990, le rééquipement total de
la falaise sera réalisé et le CD Vaucluse renverra l’ascenseur
de mon investissement passé, (totalement bénévole,
même les points furent de ma poche), en me confiant une part de
ce travail rémunéré.
Avec moi, d’autres Lyonnais participèrent à cette
frénésie d’équipement : Rémi Escoffier,
J.C Bérrard, Eric Revolle, Laurent de la Fouchardière
entre autres.
J’ai aussi participé à l’élaboration
et à la diffusion des topos de Buoux
1991 et 1995, en 2004 une réédition s’imposait.
Le CD 84 qui gère la falaise l'a fait avec mon assentiment. Quand
à moi je passe chaque année 1 ou 2 WE à Buoux avec
un peu de nostalgie. Je constate que certains de mes derniers projets
ne sont toujours pas réalisés ! ! !
Si je n'avais qu'un souvenir de Buoux à raconter ce serait ce
qui est écrit dans mon carnet au 28 mars 1986 ..."AUTOROUTE...
tombé entre le dernier point et le relais... je ne mérite
pas de vivre!", puis au 4 mai 1986 FLASH Z ... 18h30... après
4 mois de siège et quelque 40 assauts des troupes d'élite
... AUTOROUTE s'est rendu sans condition!
Buoux est effectivement l'école où j'ai progressé
en escalade et ce 7c d'autoroute était dans la continuité
de mon premier 7a, T.C.F (à l'époque 6c+), le 28 novembre
1982, ensuite ESCOUBA le 8 janvier 1984 puis SONGE SUCRE le 14 janvier
1984 .... et ensuite un millier d'autres 7a !
Après la dernière édition du topo, je ne suis revenu
à Buoux que pour le plaisir car avec l'âge, la perspective
des performances s'éloigne. Les deux chantiers de rééquipement
sont ausi de très bons souvenirs, j'étais payé
pour ce faire, et en plus, j'ai vécu des instants inoubliables
de solitude, à la nuit tombante au sommet de l'Aiguebrun...