
ARCHIANE… une année dans
ma vie de grimpeur . Combien
d'années que je n'ai pas remonté la petite route du cirque
d'Archiane… 10 ans… peut-être 15ans ! Je suis revenu
sur mon passé en reprenant de l'activité à Presles,
mais je n'ai jamais renoué cette histoire d'amour éphémère
qui engendra 8 nouveaux itinéraires dans le cirque, dont 5 sur
le pilier S.E.
Archiane, c'est surtout cette année 1978 qui nous ramena chaque
week-end au refuge avec des projets plein la tête… mais c'est
aussi quelques très vieux souvenirs inscrits en fond d'œil
d'une vie alpine déjà bien avancée. C'est un berger
de 80 ans qui nous laissait dormir dans la grange avec les chèvres,
bien avant la construction du refuge. Ce personnage de Pagnol était
le père d'Ulysse qui ouvrit plus tard le bar du village, voilà
donc l'origine toponymique du nom de baptême de ma première
voie sur le pilier S.E…
Son épouse et son fiston ne se nommaient ni Pénélope
ni Télémaque, mais ce fut une façon de les associer
à la falaise.
Vingt ans après, il m'est plus facile d'analyser cette soudaine
boulimie de premières à Archiane. Une lassitude de Presles
sans doute, mais ce n'est pas un hasard si du 1er avril au 15 octobre
1978 j'ai sillonné le pilier S.E de cinq nouvelles voies toutes
assez proches de la voie Livanos. Le
grec fut le guide spirituel de ma modeste carrière alpine…
loin devant les Bonatti et autre Charlet. Les latins, au verbe haut
qui affichent leur hédonisme, me semblent plus fiables que les
mystiques et les austères. Sur le pilier S.E nul doute que j'ai
du côtoyer un peu "dieu", l'espace de quelques coups
de marteau !
En 1974 lors de la répétition de la voie de la Révélation
(intégrale…je précise, car la partie supérieure
est souvent délaissée), j'avais repéré l'écaille
caractéristique de la voie Ulysse et en avril 1978 c'est logiquement
cette ligne qui ramassa la première volée de coins de
bois … doublée d'un mitraillage à l'extra-plat.
En l'espace de 5 mois avec mes habituels compagnons lyonnais (Chapuis,
Jourjon, Lacroix, Durand), mais aussi avec le stéphanois Roger
Reymond, ce sera donc Ulysse (1er et 2 avril), Pénélope
(14 et 15 mai), Télémaque (11 juin), Kicoup (26 et 27
août) et enfin Kitouch (14 et 15 octobre).
Pour moi cette époque restera la naissance d'une grande amitié
avec Daniel Lacroix, (mort en 1985 au K2). Mais mon meilleur souvenir
d'escalade est la voie Kicoup, une ligne logique avec beaucoup de libre,
ouverte avec Roger Reymond dans un style très pur, sans aucune
préparation, avec juste un bivouac. Cette manière devenait
rare à l'époque.
Le plus mauvais souvenir est sans contexte l'arnaque des frères
Rémy, avec qui je m'étais lié d'amitié au
point d'avoir des projets communs, et qui voyant mon matériel
laissé le dimanche soir au pied de l'évidente fissure
de la voie Kitouch qui raye un mur parfaitement lisse, n'hésitèrent
pas à me griller la politesse le lundi… Leur réponse
(avec l'accent adhoc) à ma grosse colère valait son poids
de cacahuète : " Ah parce que tu pensais prendre la fissure
! " ! ! ! Non bien sûr les gaillards, j'avais l'intention
de spiter durant trois jours sur les bords… Depuis j'ai comme une
Rémyphobie.
Les 5 voies ouvertes sur le pilier S.E sont les plus marquantes, mais
d'autres petites réalisations moins connues sont à mettre
au crédit de l'équipe: Le pilier de l'impromptu en 1974
avec Bernard Macho , l'erreur est humaine en 1982 avec renée
Guérin (ces 2 voies étant le résultat de mon incapacité
à trouver l'attaque de la voie Charbonnier à la tour du
Rapace… toujours pas faîte à ce jour). Mais aussi
le Pilier des Thuyas une petite voie qui mériterait d'être
rééquipée pour faire une classique.
Quel avenir souhaiter à Archiane pour les années à
venir ? La mode de l'artif est sans doute bienvenue pour redonner vie
à ces falaises. Les voies équipées béton,
style Presles, on déjà débarquées ici comme
à Glandasse (Cosa Nostra) et le public en redemande. Suis-je
vraiment has been en souhaitant que le cirque d'Archiane reste le domaine
des pitons du marteau et des coinceurs… Quand le spit sécuritaire
de 12mm surgit le label école d'escalade est toujours livré
avec !
Bruno FARA
|