Retour   
Voici un texte consacré à mon ascension de la directe Américaine aux Drus

Pas d’appareil photo dans le sac lors de cette course, donc seul un texte permet de me remémorer cette journée, qui scella ma cordée alpine avec Renée Guérin.
Depuis mon parcours du pilier Bonatti, la voie "Directe Américaine" au Dru avait toujours été l’un de mes objectif. Le mercredi 7 juillet 1982, Javel (Daniel Lacroix) et Eric Escoffier me téléphonèrent au bureau … Le Dru était en condition et la météo correcte pour la fin de semaine … ils avaient le projet d’enchaîner Directe + Pilier Bonatti, et se renseignaient pour savoir si ça m’intéressait de les accompagner ?
Le téléphone chauffa toute l’après midi … mais aucun de mes habituels compagnons d’alpinisme n’était motivé et libre.
Dans le bureau, pas très loin de moi, travaillait Renée Guérin qui deviendra 20 ans plus tard ma nouvelle épouse, elle était récemment divorcée ; Je lui avais fait découvrir l’ecalade fin 1981, (elle avait 31 ans), et depuis nous grimpions ensemble les WE, en école d’escalade souvent et parfois en Vercors. Elle n’avait jamais réalisé aucune course alpine, jamais chaussé des crampons … mais je savais qu’elle était très sportive et surtout capable de se dépasser si nécessaire. Nous avions fait au printemps quelques voies à Presles et en Vercors … Elle était un second idéal et rapide et le 30 mai nous avions enchaîné à Archiane la voie Livanos du Pilier SE avec la voie du Levant en 6 heures, j’avais confiance en elle et je grimpais, à corde tendue, même dans du V sup sans angoisses …
Alors j’ai traversé le bureau et lui ai proposé de prendre 2 jours de congés !
Je suis passé chez moi prendre tout le matos, et prévenu mon épouse que ce soir je ne coucherai pas à la maison !!!
Chez Renée j’ai passé la soirée à lui montrer des images du Dru (elle ne connaîssait pas Chamonix), et à lui bricoler une paire de crampons Salewa sur des chaussures de randonnée, car elle n’avait aucune chaussure de montagne.
Le jeudi 8 juillet 1982 nous retrouvions à Chamonix Sud nos 2 collègues … ils connaissaient bien Renée mais furent hallucinés que j’envisage la Directe avec une compagne sans aucune expérience (certes je pourrais éventuellement abandonner au bloc … mais je n’en avais pas du tout l’intention). En route donc pour les grands Montets, aidés par Françoise Lepron qui bivouaquera au rognon avec nous et ensuite descendra les duvets à Chamonix !
Au bivouac nous trouvons deux guides de Chamonix qui ont le même objectif, l’un d’entre eux est un collègue (François Gallote dit "Joli thorax").
La nuit est étoilée et au matin du 9 juillet … grand beau sur le massif. Eric et Javel attaquent le socle un peu avant nous (ils ont une deuxième voie à réaliser avant ce soir !!!). A 6 heures nous sommes dans les premières longueurs du socle, Françoise commence à redescendre notre matériel vers la vallée, la cordée chamoniarde se place derrière nous.
A 13 heures, la directe Américaine, à proprement parlé, est derrière nous, "Joli thorax" nous suggère de nouer nos cordes pour descendre depuis ce point, (ce subterfuge était classique pour ceux qui fatigués envisageaient mal de négocier la face ouest classique jusqu’au sommet). La face ouest, une voie techniquement moins difficile que la directe mais beaucoup plus éprouvante pour les nerfs (équipement moins dense et itinéraire complexe), demandait d’autres qualités que celles de pur grimpeur. Devant mon refus, il abandonnèrent l’idée de descendre … pour "joli thorax", impensable … alors qu’une femme continuait !
La face ouest est très belle dans mon souvenir. Dans le haut, en ce début juillet, nous avons rencontré 2 longueurs verglacées qui nous posèrent un sérieux problème. Je du m’employer pour gagner chaque mètre. La cordée chamoniarde ayant demandé, par sécurité, de s’encorder avec nous pour ces longueurs, nous avons perdu pas mal de temps ! D’autant plus que j’ai tenté, sans succès, la sortie directe au sommet … mais les coulées de glace dans les surplombs m’obligèrent à revenir vers l’épaule du Dru où à 19h nous retrouvions Javel et Eric qui débouchaient du pilier Bonatti .
Bel hasard, vu que dans la journée ils avaient déjà rejoint les flammes de pierre pour redescendre au pied du pilier, nous avons gagné du temps dans les rappels. La nuit tombant, vers 21h3o, persuadé que de nuit nous ne trouverions pas la viré qui donne accès au glacier de la Charpoua, je me suis roulé en boule avec Renée dans nos couverture de survie pour attendre sereinement le jour, à défaut de dormir.
Les deux compères, continuèrent … ils erreront toute la nuit … et finalement je les retrouverai à la Charpoua avant qu’ils aient bu leur café !
Une petite pensée aux polonais qui revenaient, après un bivouac, de la voie normale avec un équipement digne de l’Everest et qui me permirent de franchir un sérac en tirant sur leur corde … avec un piolet marteau pour deux, nous aurions eu beaucoup de mal à passer ce dernier obstacle !
Renée avait passé ce test avec brio ... Nous allions pendant les quatre prochaines années gravir ensemble toutes les faces alpines qui me faisaient rêver (seul le Freney et l’Eiger manqueront au palmarès quand nous raccrocherons définitivement les crampons après La Walker).