Le 6 janvier 1974 fut, pour la petite équipe composée de Jean- Marcel
CHAPUIS, Jean-Michel FOURNIER et Bruno FARA... un moment
des plus important. Avec cette première,
(bien insignifiante 30 ans plus tard), nous entrions dans le club
des alpinistes... les vrais, ceux qui posaient la main où l'homme
n'avait jamais mis le pied.
Avec Jean-Marcel CHAPUIS j'avais déjà sévi au CORNAFION quelques
mois avant, mais dans cette face sud de PRESLES, alors presque vierge,
notre réussite avait une autre dimension... En un mot plus fiers
que nous ce soir là, eut été difficile. Il faut remettre cette voie
dans son contexte, pour bien comprendre notre émotion d'alors. Début
1973, il n'y a que 10 voies à Presles. De gauche à droite on trouve
La voie des Buis, la Grotte, les Chrysanthèmes, la Conod-Clere,
le Nid d'aigle,la partie supérieure de l'Ecole Buissonnière,
les Cousins, la Lucarne, le toit des Lyonnais et le pilier de Choranche.
L'accès se fait depuis le hameau de la Ranconnière, petit
groupe de maisons situées au-dessus de CHORANCHE, et personne n'imagine
qu'un sentier sera un jour tracé jusqu'à la route de PRESLES. Les
rares grimpeurs (les cordées se comptent sur les doigts d'une main
.... par trimestre), remontent ensuite plus ou moins à vue en direction
du grand pilier qui deviendra l'année suivante le PILIER du SOUVENIR.
Aucun sentier n'existe au pied de la falaise, ni en haut... Pour
revivre aujourd'hui l'aventure d'une cordée sortant tard le soir
d'une voie en 1974, il suffit de quitter les sentiers et de foncer
droit dans la jungle de buis.
Seule la voie de la Grotte et les Chrysanthèmes sont parfois gravies,
mais ce sont des challenges redoutables pour l'époque. La cotation
VI (environ le 6a), étant la plus prestigieuse et rarement donnée
le V+ soutenu des ces deux voies, effrayait les grimpeurs... Seules
les voies du Toit des Lyonnais et du Pilier de Choranche en imposent
plus encore. Et quand nous réaliserons la 3ème ascension du pilier
en 1975 ce sera au prix de 2 bivouacs.
A la décharge de notre génération, il faut porter que le matos était
fort différent, les chaussures étaient les mêmes que celles utilisées
en montagne. Ce sont des Terray Saussois pour les plus audacieux,
mais plus souvent des supers guides. Les coinceurs sont inconnus
et l'ensemble marteau, baudrier, étriers est très encombrant. Les
longueurs se pitonnent (relais compris), et seules quelques voies
classiques du Vercors ouvertes par Serge Coupé présentent un équipement
à demeure. Au pilier de Choranche nous n'avons pas du trouver plus
de 10 pitons en place... C'est après notre passage que le grand
dièdre est resté équipé car nous n'avons pas récupéré nos coins
de bois.
Une autre époque avec des valeurs ni meilleures ni pire que celles
actuelles, mais tellement différente. En ouvrant cette voie on entrait,
nous la petite équipe du club Amitié nature (affilié à la FSGT),
dans le clan prestigieux des célébrités du CAF de Lyon... Les Frésafond,
Rubin, Ducoin, Conod, etc... Au refuge de Buis les Baronnies nous
allions enfin pouvoir leur parler...
Même le nom de la voie LES BOUFFONS
est une référence à l'admiration que nous portions à quelques uns
de ces cafistes hautains ... qui à mes débuts au printemps 1973,
en nous voyant en difficulté dans la directe du pilier Gris au St
Julien, demandèrent très fort à l'assemblée " C'est qui ces bouffons?
". Par ce quolibet, François Rubin m'a donné ce jour là le meilleur
des encouragements.
Fin 1973 le virus de l'ouverture m'avait déjà contaminé, et quand
le 17 novembre, au pied de la voie de la grotte, j'ai croisé la
cordée DIAFERIA-REBUFFET, qui lourdement chargée partait pour terminer
la voie des Pâturages... J'ai décrété que nous devions nous aussi
avoir un projet plus grandiose qu'une répétition. En longeant la
falaise avec Jean-Marcel CHAPUIS, nous avons vite repéré
ce grand dièdre qui ne pouvait pas se rater... cette fissure évidente
n'avait qu'une faiblesse, l'accès au premier relais était délité.
Le samedi 17 nous avons bien réalisé la voie de la
Grotte (mon carnet note.. 5h15, 34 pitons dont 33 en place, une
chute ). Mais le lendemain nous n'avons installé le R1, en laissant
les pitons en place. Même la largeur et la raideur de la fissure
aperçue de près, n'entama pas notre désir de terminer au plus vite
ce premier projet à Presles.
De cette époque date le bivouac situé entre IZNOGGOOD et HAAFNIOUF,
qui nous hébergea, chaque samedi soir, durant presque 10 années.
A cette époque nous l'atteignons en venant de Ranconnière.
Il nous fallut quelques WE...
le 18 novembre1973, les 1et 2 décembre1973 et le 16 décembre
1973 (avec Régis CHAZALET),
des poutres sciées pour fabriquer les coins de bois (aujourd'hui
les friends ont remplacé ces gadgets), avant de fixer ma première
corde fixe au R3. C'était une 100m dynamique en 7mm, achetée
pour l'occasion. Elle n'a servit qu'une fois remisée ensuite en
corde de hissage. Remonter 50m de 7mm plein vide, avec des bloqueurs
spéléo, est assez angoissant, pour préférer ensuite la 11mm statique.
Les pitons étaient, pour beaucoup, artisanaux. C'est Jean-Marcel
qui les forgeait durant la semaine à la S.N.C.F. Bien sûr nous ne
laissions en place que ces derniers que je retrouve encore parfois
en reprenant une de mes anciennes voies (voire une nouvelle voie...
certaines sont parfois si proche). En lisant le texte du topo d'époque,
on assimile mieux la profonde différence entre le Presles d'aujourd'hui
et celui d'alors. J'ai peu de photos de cette époque et de très
rares souvenirs de l'escalade de la partie supérieure.
Mon carnet note exactement: 5 janvier, arrivée au bivouac
à 10h avec Jean-Marcel, nous équipons jusqu'à
la vire. Danielle et Jean-Michel arrivent quand nous descendons
(vers 17h30/18h). 6 janvier pluie jusqu'à 10h remontée
aux jumards tous les trois, arrivés à la vire vers
13h30, sortie au sommet à 18h15. Redescente par la route
de nuit, en longeant le pied des parois jusqu'au bivouac, (il n'y
avait aucun sentier à l'époque). Nous avons récupéré
tout notre matériel au bivouac où attendait ma femme ...de
l'époque. La voie est restée totalement équipée, et assez
vite répétée... eut égard aux nombreux
articles que j'ai publiés à l'époque.
30 ans après la première, cette voie a été
équipée avec des goujons de 12mm à la place
de certains pitons et nettoyée pour pouvoir utiliser les
coinceurs par endroit … cette réalisation signée
Hervé Delacour est à mes yeux la fabrication d’un
simulacre du terrain d’aventure !