Rochers de PRESLES: La petite histoire de la Voie de la DECADENCE


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Topo (croquis) Topo (texte) Photos d'époque
La Voie de LA DECADENCE : Voie ouverte du 29 avril au 4 mai 1978 par Jean-Marcel CHAPUIS, Bruno FARA et Daniel LACROIX, ED, 104 pitons, 27 coins, 48 expansions et une grande variété de coinceurs. Cinq bivouacs, des expansions sans plaquettes permettent de poser des hamacs à R4, R5 et R6. Essentiellement artificielle la voie est restée totalement équipée.
Voie équipée du bas imprimer le topo et l'historique

Les falaises depuis le sommet d'oxus la face sud depuis la route le pilier depuis choranche Vue du pilier Le secteur des buis FARA dans le Toit des Lyonnais Avec Javel dans Exodus Bivouac à balme Rousse


La DECADENCE... Tout un programme. D’abord le nom : Il fut suggéré par Jean-Philippe Bourley (dit Virus). Il faisait partie du groupe des stéphanois (Roger Reymond, Michel Lassagne, Pierre Beghin) avec lesquels j’ai pas mal grimpé ces année-là.
L’usage des expansions était déjà à cette époque le thème d’un débat d’éthique ! Pour la décadence, une grande part des 48 expansions fut surtout utilisée (comme à la Conque) pour venir à bout des 2 dernières longueurs qui se déroulent sur un cylindre de calcite très compact.

La DECADENCE, c’est aussi ma plus grosse déception... quand les auteurs de la voie des Deux âges se manifestèrent avec un certain temps de retard pour revendiquer une part importante de l’itinéraire. Nous avions bien noté quelques traces de passage dans les 2 premières longueurs, mais des anneaux de rappel sur la vire laissaient croire que la tentative avait avorté ! Dans la longueur suivante (que j’ai ouverte intégralement) je n’ai noté aucune trace et dans le dièdre je n’ai pas remarque l’échappée à droite utilisée par la cordée Laroche-Joubert !

Je me suis toujours posé la question de la réalité de leur ascension ...
En 1975 j'étais tous les week ends à Presles et je n'ai jamais eu connaissance d'une cordée équipant à droite du pilier de Choranche ... bizarre! Tout comme cette réaction plus de 3 ans après leur ascension de publier un topo juste quand le nôtre parait!

La DECADENCE, c’est aussi ma plus grande colère ... Quand durant l’hiver 78/79 de jeunes Marseillais dont Tchouky… alias Michel Fauquet et des copains toujours “non identifiés”, reprirent la voie en ôtant la presque totalité du matériel ! Ce brigandage leur permit à la suite d'équiper au Roy d’Espagne et au Verdon le Voyage de la Mandarine (où plus tard une de nos plaquettes artisanales caractéristiques, en cornière de Duralumin, fut retrouvée). Il m’a fallu au moins 5 ans pour les identifier et les retrouver (grâce à l’aide de pas mal de sudistes)... J’ai longtemps soupçonné Vincent Fines (mais aujourd’hui je sais qu’il ne fut pas de la bande… qui sont les autres ???), Vincent étant mort au Jorasses, seul Tchouky eu droit à un uppercut, qui l’envoya au tapis sur la place de La Palud sur Verdon, devant tous les babas-cool non violents du coin. Par chance pour lui le temps avait gommé un peu ma haine... Il faut comprendre que l’époque ne comportait pas d’aides fédérales à l’équipement, tous ces pitons que nous laissions étaient donc achetés ou fabriqués "maison". Ce vandalisme nous toucha beaucoup ...

Le temps a passé et après cette rixe je suis devenu copain avec Tchouky qui admit "une connerie de jeunesse"... Je suis même son parrain pour l’entrée au G.H.M.

La DECADENCE, ce fut aussi l’une des épreuves les plus dures durant l’assaut final. Il pleuvait depuis le premier jour et au-dessus de L5, (au 4ème jour), notre bivouac fut inondé par les ruissellements d’infiltration durant la nuit... (pourtant la voie surplombe jusqu’à l’ultime centimètre). Les 2 bivouacs suivants furent installés dans un dévers absolu, les 3 hamacs les uns sous les autres. C’est ici que Javel est tombé de son hamac (alors que nous équipions une longueur supérieure avec Jean-Marcel)... Et qu’il a pu s’accrocher au hamac inférieur maintenu écarté par un système artisanal de barres ! Nous devions à l’origine forcer le grand surplomb équipé plus tard par Bernard Gravier pour une pub, mais notre fatigue et les duvets trempés nous poussèrent (comme à la Conque) à rejoindre la rampe sous cette dernière difficulté. Après 6 jours, forer à la main un toit horizontal de 20m... ben oui, je n’ai pas eu le moral!

La DECADENCE, c’est aussi la fin d’une époque (pour Presles) où les voies furent tracées dans une ligne logique avec pas trop de préparation. Ensuite ce sera pendant 2 ans une période où nous allons beaucoup rigoler au pied de la falaise, forgeant notre réputation de mauvais garçons bagarreurs... un tantinet alcolos ! La technique d’ouverture restera, jusqu’au Piri, certes du bas mais dans un style "spéléo" avec cordes fixes systématisées et escalade par tous les temps (même en bottes et combi spéléo intégrale parfois). 1977 et 1978 furent des années consacrées presque exclusivement à des premières (donc à des repérages).
La DECADENCE terminée du 29 avril au 4 mai 1978 avait été commencée le week-end 27 et 28 août 1977.
Dans mon carnet j’ai noté : première longueur le samedi, 5m le dimanche... Ce jour là j’ai abandonné car, (honte sur moi), j’ai rajouté un spit alors qu’un piton trouvé au-dessus démontrait que d’autres avait été plus audacieux ! Ensuite nous sommes revenus les 3, 4 et 5 septembre pour installer le R2 à la vire où durant longtemps j’ai cru que nos prédécesseurs avaient abandonné. La voie à l’origine devait se nommer Over Dose, car Jean-Marcel en avait marre de ces travaux forcés sur étriers ! C’est donc juste avec Javel (Daniel LACROIX) et aussi l’aide de Luc JOURJON (qui ne sera pas du final) que j’ai continué.
La longueur dans le grand bombé au-dessus de la vire nous occupa 3 journées les 9, 13 octobre et 19 novembre 1977. Pour l'unique fois de ma vie j’ai utilisé un Vis’Roc... (conçu par Desmaison), ce matériel, aujourd’hui digne d’un musée, supporta mon poids le temps de satisfaire un besoin naturel, devenu urgent au fil des heures passées dans les étriers !
Nous avons donc laissé les cordes ancrées sous le R4, durant tout l’hiver qui fut occupé en tentatives hivernales, (à la Grande Ruine), par la voie du Gag en février, le début de l’ère Archianne (Ulysse en avril) et ce n’est qu’en avril que nous eûmes l’opportunité de trouver la semaine de congés nécessaire pour terminer.

Les brèves notes de mon carnet sont peu explicites :
... 29 avril : J’ai équipé R4 et Javel a remonté le dièdre pour installer R5 bivouac à la vire. 30 avril : Jean a installé R6, nous déménageons et bivouac à R5 au pied du dièdre. 1er Mai : J'ai installé R7 et commencé l’autre longueur. 2 mai : il a plu toute la nuit et nous sommes trempés. Nous déménageons le bivouac à R6, J’installe en se relayant avec Jean-Marcel R8. 3 Mai : Javel installe R9 et R10. Il bivouaque seul à R10. 4 mai : Nous le rejoignions et sortons la voie, après avoir largué tous le matos en trop. ...
La description de ce timing, me remémore comment nous fonctionnions à l’époque, à trois dans les premières... 1 journée en tête, 1 journée en second, 1 journée de repos et d’intendance pour organiser le matos et les transferts de bivouac.

Aujourd’hui cette voie de la DECADENCE est parfois reprise depuis que Bruno DELACQUIS fut chargé par nos soins de reposer des plaquettes et des pitons clefs.
C’est un challenge très intéressant pour les amateurs de terrain d’aventure partiellement équipé.
Une voie nouvelle qui serpente entre DECADENCE et CONQUES fut équipée en 2007 par Philippe MUSSATTO (Voie "Et Trois Chevaux").

Novembre 2016 …
Presque bientôt 40 ans que nous avons terminé cette voie, Javel est mort en 1985 au K2, et un grave accident a rendu Chapuis paraplégique en 1982 …
je reste donc le seul gardien du souvenir encore actif ...

Si je reviens commenter l’historique de la voie de la Décadence, c’est parce que lors d’une soirée colloque organisée par la FFME à Presles , un jeune et fort grimpeur (Ludo Pin) m’a interpellé pour me demander si j’avais trouvé des traces des deux âges lors de notre première?

Je lui ai donc affirmé, comme je l’ai toujours dit, qu’après R2 et des anneaux de rappel, nous n’avions rien trouvé, et que cela me semblait tout bonnement impossible de ne pas avoir vu de traces ! Impensable aussi que les pseudos ouvreurs des Deux âges aient fait les relais uniquement sur pitons (en 1975 … pas de camalots !).


Ludo PIN est celui qui, en compagnie de Sylvain MAURIN, a libéré cette voie (donc toute la partie commune avec décadence ... 4 longueurs fortement surplombantes).

Il m’a alors déclaré qu’en voulant faire la sortie originale des deux âges … il n’avait rien trouvé non plus, et que … SURTOUT … un passage était, selon lui, impossible sans spits !

J’ai toujours douté de la réalité de l’ouverture par Laroche-Joubert des Deux Ages en 1975 … topo publié 3 ans après … qui arrive comme par enchantement quand nous terminons notre voie de la Décadence !

Aujourd’hui, 40 ans plus tard, je découvre donc que ce n’est plus un doute mais une certitude … les Deux âges est un troll de mytho, qui fut gobé sans sourciller par Dominique Duhaut et donc publié tel quel, sans doute dans l'esprit de la guerre de l’époque entre Lyonnais et Grenoblois, il fut partisan!

J’en suis d’autant plus convaincu, qu’un répétiteur de la voie m’a envoyé récemment cette lettre … où il précise bien
"Avec nos histoires qui se croisent, la vérité sur cette ascension partielle commence à se dessiner".